Avant-Propos

ce texte est extrait de l'ouvrage "Croix de Haute-Auvergne"

 

   Ce n’est qu’assez récemment que l’art des croix de chemin a acquis ses lettres de noblesse et suscité l’intérêt. Très longtemps il fut tenu pour secondaire, voire totalement négligeable. Sans doute, le nombre et la dispersion des monuments n’encourageaient guère la recherche. Cela explique qu’aujourd’hui encore la plupart des ouvrages traitant de l’histoire de l’art, y compris ceux d’histoire locale, ainsi que les ouvrages d’ethnologie rurale, où les croix ont pourtant tant à dire, les ignorent ou se contentent d’indications vagues.

    Les croix de Haute-Auvergne, actuellement département du Cantal, ne sont certes pas totalement inconnues. Abel Beaufrère le premier, dans les années 50, attira l’attention sur une trentaine de croix. Paul Leutrat (1977) et surtout Jacques Baudoin (1989), ajoutèrent à ce premier défrichement une centaine de nouveaux monuments. Il restait à mener une enquête plus systématique, un essai d’inventaire, étant entendu qu’il n’était guère question de comptabiliser les quelques 3000 croix du Cantal, mais de sélectionner parmi elles les plus intéressantes au titre de l’art, de l’histoire ou des traditions. Nous espérons avoir rempli ce contrat difficile, qui oblige à de patients détours par les routes et les chemins de nos rudes campagnes, mais il est évident que quelques oublis fâcheux restent inévitables. A terme, on peut souhaiter qu’un inventaire réel soit dressé au niveau communal, ne serait-ce que pour protéger plus efficacement un patrimoine en danger permanent. Il est urgent de comprendre, en effet, que les croix qui ne sont pas soignées et mises en valeur finissent tôt ou tard par disparaître.

    Notre enquête se veut aussi une base solide pour l’examen historique et artistique de ces œuvres trop souvent oubliées. Dispersion et grand nombre, on l’a dit, ainsi que la difficulté des datations, entrent pour beaucoup sans doute dans cette méfiance à l’égard des croix, absurdement rejetées dans le registre du « petit patrimoine ». C’est pourquoi il importait de faire la liste de toutes les croix datées et de déterminer pour chaque époque les caractères majeurs des monuments. Ce travail n’était possible qu’au prix d’une description minutieuse de tous leurs éléments, sans quoi l’on reste dans l’à-peu-près et l’inutilisable. De là un vocabulaire spécifique qui peut rebuter de prime abord, mais qui en réalité s’assimile rapidement.

    Il s’agissait également de ne pas omettre la dimension sociale et traditionnelle des croix. Maintes légendes ou croyances populaires y sont attachées, et les fixer ici relevait du sauvetage, mais il en reste beaucoup d’autres qui nous ont échappé. Là encore notre travail pourrait servir à sensibiliser les cantaliens sur l’urgence qu’il y a à transmettre ces histoires, éléments à part entière de notre patrimoine.

 

 

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